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On pourrait se demander pourquoi Ravage ne pouvait pas utiliser les Inquisiteurs pour le libérer de sa prison. La réponse est très simple, si l’on comprend les mécanismes du pouvoir.

Avant la mort du Seigneur Maître, il maintenait une emprise trop ferme sur eux pour laisser Ravage les contrôler directement. Même après sa mort, cependant, un tel serviteur de Ravage n’aurait jamais pu le secourir. Le pouvoir du Puits était de Sauvegarde, et un Inquisiteur n’aurait pu le prendre qu’en ôtant ses tiges hémalurgiques. Ce qui l’aurait tué, bien entendu.

Ainsi, il fallait à Ravage une manière plus indirecte d’atteindre son but. Il lui fallait quelqu’un qu’il n’ait pas trop souillé, mais qu’il puisse mener par le bout du nez en le manipulant soigneusement.

 

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Sazed griffonna une note sur son schéma, comparant les mesures de la voie navigable. Apparemment, le Seigneur Maître n’avait pas eu grand-chose à faire pour créer ce lac souterrain. De l’eau circulait peut-être déjà dans la grotte. Les ingénieurs du Seigneur Maître avaient simplement élargi le passage, permettant l’accès à un courant plus sûr et plus régulier que le courant naturel.

Le résultat était un aquifère d’une bonne taille. Des machines situées dans une caverne latérale se révélèrent être un mécanisme destiné à boucher les sorties d’eau au fond – sans doute afin que l’on puisse empêcher les réserves d’eau de s’échapper, en cas de problème d’approvisionnement. Malheureusement, il n’existait aucun moyen de bloquer les arrivées d’eau.

Avant que le Seigneur Maître crée ce réservoir, seule une petite quantité de cette eau passait dans la grotte. Le reste s’écoulait dans ce qui était à présent les rues et remplissait les canaux. Sazed supposait donc, s’il parvenait à empêcher l’eau d’entrer dans la grotte, qu’elle remplirait de nouveau les canaux.

Il faudra que j’en sache plus sur la pression de l’eau, se dit-il, afin de pouvoir fournir un poids suffisant pour boucher ces arrivées. Il lui semblait avoir vu un livre sur le sujet dans son cerveau métallique.

Il se laissa aller sur son siège tout en y puisant. Les souvenirs se déployèrent dans sa tête tandis qu’il retirait une section de texte : un index qu’il avait créé et qui recensait le titre des livres qu’il avait en réserve. Dès qu’il en retira le texte, les mots devinrent aussi clairs que s’il venait de les lire et de les mémoriser. Il parcourut rapidement la liste en quête du titre dont il avait besoin. Lorsqu’il le trouva, il l’inscrivit sur un morceau de papier. Puis replaça la liste dans son cerveau de cuivre.

L’expérience était curieuse. Après avoir replacé la liste, il se rappela en avoir extrait les informations – mais il n’avait pas le moindre souvenir de ce que contenait l’index. Il y avait un blanc dans son esprit. Seuls les mots inscrits sur le papier expliquaient les choses qu’il savait quelques secondes plus tôt. Avec ce titre, il pouvait extraire de son esprit l’intégralité du livre concerné. Il choisit les chapitres qu’il voulait, puis replaça le reste dans le cerveau de cuivre pour éviter qu’ils se dégradent.

Ainsi, avec l’aide de ces chapitres, sa connaissance de l’ingénierie était aussi nette que s’il venait de lire et d’étudier l’ouvrage. Il comprit facilement les questions de poids et d’équilibre adéquats dont il avait besoin pour concevoir un système qui permettrait, espérait-il, de ramener l’eau dans les rues à la surface.

Il travaillait seul, assis à un bureau volé d’excellente qualité, tandis qu’une lanterne éclairait la grotte autour de lui. Même avec les connaissances fournies par ses cerveaux de cuivre, c’était un travail difficile, avec de nombreux calculs – pas exactement le genre de recherches dont il avait l’habitude. Heureusement, les cerveaux de cuivre d’un Gardien ne se limitaient pas à ses propres intérêts. Chaque Gardien conservait l’intégralité du savoir. Sazed se rappelait vaguement les années qu’il avait passées à écouter et à mémoriser. Il lui avait suffi de connaître les informations juste assez pour se les rappeler brièvement, puis de les déposer dans un cerveau de cuivre. Ainsi, il était à la fois l’un des hommes les plus intelligents et les plus ignorants qui aient jamais vécu – il avait mémorisé tant de choses, mais les avait oubliées intentionnellement.

Malgré tout, il avait accès à des textes sur l’ingénierie aussi bien que sur la religion. Savoir ces choses-là ne faisait pas de lui un mathématicien ou un architecte brillant – mais il disposait ainsi d’assez de compétences pour être nettement meilleur qu’un profane.

À mesure qu’il travaillait, il avait de plus en plus de mal à nier qu’il excellait dans le domaine de l’érudition. Il n’avait rien d’un meneur d’hommes. Ni d’un ambassadeur. Alors même qu’il tenait le rôle d’ambassadeur en chef pour Elend, il passait la majeure partie de son temps à étudier ses religions. À présent qu’il était censé diriger l’équipe d’Urteau, il se surprenait de plus en plus souvent à laisser Spectre prendre l’initiative.

Sazed était un homme de lettres et de recherches. Il trouvait satisfaction dans ses études. Bien que l’ingénierie ne soit pas un domaine qu’il apprécie particulièrement, il s’apercevait en réalité qu’il préférait les études – quel que soit le sujet – à tout le reste. Est-ce quelque chose de si honteux, se demanda-t-il, d’être l’homme qui aime fournir des informations aux autres plutôt que celui qui doit les utiliser ?

Le claquement d’une canne sur le sol annonça l’arrivée de Brise. L’Apaiseur n’avait pas besoin de canne pour marcher ; il préférait en porter une simplement pour se donner des airs d’aristocrate. De tous les voleurs skaa que Sazed avait connus, Brise était de loin le plus doué pour imiter les nobles.

Sazed s’empressa de griffonner quelques notes de plus, puis replaça les chapitres sur la pression de l’eau dans son cerveau de cuivre. Inutile de les laisser se dégrader tandis qu’il parlait à Brise. Car, bien entendu, Brise voudrait parler. Effectivement, dès que Brise fut installé à la table de Sazed, il parcourut les schémas puis haussa un sourcil.

— Voilà qui progresse joliment, mon cher. Vous avez peut-être raté votre vocation.

Sazed sourit.

— Vous êtes gentil, lord Brise, mais je crains qu’un ingénieur ne trouve ce plan fort maladroit. Toutefois, je crois qu’il fera l’affaire.

— Vous pensez vraiment en être capable ? demanda Brise. De faire couler l’eau comme l’a demandé le gamin ? Est-ce que c’est seulement possible ?

— Oh, c’est parfaitement possible, répondit Sazed. Ce qui est en question, c’est mon expertise, et non pas la plausibilité de la tâche. Les eaux circulaient autrefois dans ces canaux, et elles peuvent le faire de nouveau. En fait, je crois que leur retour sera bien plus spectaculaire que le courant original. Auparavant, une grande partie de l’eau était déjà déviée dans ces grottes. Je devrais être en mesure d’en bloquer une autre partie et de ramener l’eau en force à la surface. Bien entendu, si lord Spectre souhaite continuer à alimenter les canaux, nous devrons laisser une partie de l’eau s’échapper ici de nouveau. Les systèmes de canaux n’ont généralement pas un courant très important, surtout dans une zone dotée de nombreuses écluses.

Brise haussa un sourcil.

— En fait, poursuivit Sazed, les canaux sont un sujet bien plus fascinant que vous ne pourriez le croire. Prenez par exemple les méthodes permettant de transformer un fleuve naturel en canal – pour en faire ce qu’on appelle une voie navigable – ou examinez les méthodes de dragage employées pour retirer la vase et la cendre des profondeurs. Je possède un livre bien particulier du tristement célèbre lord Fedre, qui était – malgré sa réputation – un génie absolu en matière d’architecture des canaux. Rendez-vous compte, j’ai dû… (Sazed laissa sa phrase en suspens, puis eut un sourire pâle.) Pardonnez-moi. Tout ça ne vous intéresse pas, n’est-ce pas ?

— Non, répondit Brise, mais ça me suffit que vous soyez intéressé, vous. C’est agréable de vous voir de nouveau enthousiasmé par vos études. J’ignore sur quoi vous travailliez précédemment, mais ça m’a toujours tracassé que vous ne l’ayez partagé avec personne. Comme si vous aviez honte de ce que vous faisiez. Alors que maintenant… vous êtes le Sazed que je me rappelle !

Sazed baissa les yeux vers ses notes et schémas. C’était vrai. La dernière fois qu’il s’était enthousiasmé à ce point sur un sujet de recherche, c’était…

Lorsqu’il se trouvait avec elle. Qu’ils travaillaient à leur collecte de mythes et de références relatifs au Héros des Siècles.

— En réalité, lord Brise, répondit Sazed, je me sens quelque peu coupable.

Brise leva les yeux au ciel.

— Sazed, faut-il toujours que vous vous sentiez coupable de quelque chose ? À l’époque de la bande d’origine, vous aviez le sentiment de ne pas en faire assez pour nous aider à renverser le Seigneur Maître. Ensuite, quand nous l’avons tué, vous étiez perturbé parce que vous ne faisiez pas ce que les autres Gardiens vous demandaient. Voulez-vous bien me dire exactement comment vous pouvez vous sentir coupable d’étudier, rendez-vous compte ?

— J’y prends plaisir.

— C’est merveilleux, mon cher, répondit Brise. Pourquoi avoir honte d’y prendre ce plaisir ? Ce n’est pas comme si vous aimiez tuer les chiots ou ce genre de choses. Effectivement, je vous trouve un peu cinglé, mais si vous voulez apprécier quelque chose d’aussi ésotérique, alors n’hésitez pas. Ça laisse plus de place à ceux d’entre nous qui préfèrent des plaisirs plus ordinaires – comme se soûler avec les meilleurs vins de Straff Venture.

Sazed sourit. Il savait que Brise exerçait une Poussée sur ses émotions pour l’aider à se sentir mieux, mais il ne se rebella pas contre ça. En réalité, il se sentait effectivement bien. Mieux qu’il ne s’était senti depuis longtemps.

Cependant…

— Ce n’est pas si simple, lord Brise, dit Sazed en reposant son stylo. Je suis heureux d’être en mesure de rester simplement assis à lire sans avoir de responsabilités. Voilà pourquoi je me sens coupable.

— Tout le monde n’est pas destiné à être un dirigeant, Sazed.

— Non, admit Sazed, mais lord Elend m’a bel et bien chargé de m’emparer de cette ville. Je devrais être en train de planifier le renversement du Citoyen – sans parler de laisser lord Spectre s’en charger.

— Mon cher ! s’exclama Brise en se penchant. Ne vous ai-je donc rien appris ? Être responsable ne consiste pas à faire quoi que ce soit – il s’agit de s’assurer que les autres fassent ce qu’ils sont censés faire ! Déléguer, mon ami. Sans ça, nous serions obligés de faire cuire notre propre pain et de creuser nos propres latrines ! (Puis Brise se pencha.) Et faites-moi confiance : vous n’aimeriez pas goûter un plat que j’aurais contribué à préparer. Jamais. Surtout si je venais de nettoyer des latrines.

Sazed secoua la tête.

— Ce n’est pas ce que Tindwyl aurait voulu de moi. Elle respectait les meneurs et les hommes politiques.

— Corrigez-moi si nécessaire, répondit Brise, mais n’est-elle pas tombée amoureuse de vous, plutôt que d’un roi ou d’un prince ?

— Eh bien, l’amour n’est peut-être pas…

— Allons, Sazed, coupa Brise. On vous voyait musarder comme un adolescent qui vient de s’enticher d’une nouvelle fille. Et bien qu’elle se soit montrée un peu plus réservée, elle vous aimait également. Il n’était pas nécessaire d’être un Apaiseur pour s’en rendre compte.

Sazed soupira et baissa les yeux.

— C’est ça qu’elle voudrait de vous, Sazed ? demanda Brise. Que vous acceptiez de renier ce que vous êtes ? Que vous deveniez un homme politique guindé ?

— Je n’en sais rien, lord Brise, répondit doucement Sazed. Elle… n’est plus là désormais. Ainsi, peut-être puis-je me la rappeler en m’impliquant dans ce qu’elle aimait.

— Sazed, déclara franchement Brise, comment pouvez-vous être aussi sage dans tellement de domaines, et tellement stupide dans celui-ci ?

— Je…

— Un homme est ce pour quoi il se passionne, répondit Brise. J’ai découvert que si l’on renonce à ce qu’on désire le plus pour ce qu’on croit devoir désirer davantage, on se retrouve simplement très malheureux.

— Et si ce que je désire n’est pas ce dont la société a besoin ? répliqua Sazed. Parfois, nous sommes simplement contraints de faire ce qui ne nous plaît pas. C’est un simple fait, je crois.

Brise haussa les épaules.

— Ça, je ne m’en soucie pas. Je fais simplement ce pour quoi je suis doué. Dans mon cas, ça consiste à pousser les autres à faire ce dont je n’ai pas envie. Tout finit par se recouper, en fin de compte.

Sazed secoua la tête. Ce n’était pas si simple, et sa dépression récente n’était pas uniquement liée à Tindwyl et à sa mort. Il avait repoussé à plus tard son étude des religions, mais il savait qu’il y reviendrait. Le travail sur les canaux était une distraction bienvenue, et malgré tout, Sazed ne pouvait oublier les conclusions qu’il avait déjà tirées et le travail qui l’attendait encore.

Il n’avait aucune envie de découvrir que les dernières religions de la série n’offraient pas de réponse. C’était en partie pourquoi l’étude d’un autre sujet représentait une telle détente, car l’ingénierie ne menaçait en rien sa vision du monde. Cependant, il ne pourrait pas se distraire éternellement. Il finirait par trouver les réponses, ou l’absence de réponses. Son dossier reposait sous le bureau, contre le sac contenant les cerveaux métalliques.

Pour l’heure, il s’autorisait toutefois un sursis. Mais bien que son inquiétude relative aux religions soit apaisée pour l’instant, il avait d’autres sujets d’inquiétude à traiter. Il désigna le lac d’un signe de tête. Spectre, à peine visible, se tenait au bord où il s’entretenait avec Goradel et quelques soldats.

— Et lui, lord Brise ? demanda Sazed dans un murmure assez bas pour que même Spectre ne puisse l’entendre. Comme je vous le disais, l’empereur Venture m’a confié cette responsabilité. Et si je laisse Spectre prendre les commandes et qu’il échoue ? Je crains que le jeune homme ne soit pas assez… aguerri pour cette tâche.

Brise haussa les épaules.

— Il semble bien s’en sortir pour l’instant. Rappelez-vous comme Vin était jeune lorsqu’elle a tué le Seigneur Maître.

— Oui, chuchota Sazed, mais cette situation est différente. Spectre paraît… étrange, depuis quelque temps. Il nous cache des choses, sans aucun doute. Pourquoi est-il à ce point résolu à prendre la ville ?

— Je crois que c’est une bonne chose que le gamin fasse preuve d’un peu de détermination, répondit Brise en se laissant aller sur son siège. Il s’est montré bien trop passif la majeure partie de sa vie.

— Vous ne vous inquiétez pas de son plan ? Tout ça pourrait facilement s’effondrer autour de nous.

— Sazed, dit Brise. Vous vous rappelez notre réunion d’il y a quelques semaines ? Spectre m’a demandé pourquoi nous ne pouvions pas tout simplement renverser Quellion comme nous l’avions fait avec le Seigneur Maître.

— Je m’en souviens, répondit Sazed. Vous lui avez dit que si nous ne le pouvions pas, c’était parce que Kelsier n’était plus là.

Brise hocha la tête.

— Eh bien, reprit-il doucement en désignant Spectre de sa canne, mon opinion a changé. Kelsier n’est plus là, mais il semble de plus en plus évident que nous avons quelque chose de semblable.

Sazed fronça les sourcils.

— Je ne suis pas en train de dire que le garçon a la forte personnalité de Kelsier. Ni sa… présence. Mais vous avez entendu la réputation qu’il est en train d’acquérir au sein du peuple. Kelsier a réussi non pas à cause de ce qu’il était, mais de ce que les gens pensaient qu’il était. C’est là quelque chose que je ne nous croyais pas capables de reproduire. Je commence à changer d’avis.

Sazed n’était guère convaincu. Mais il garda ses réserves pour lui tandis qu’il replongeait dans ses recherches. Spectre avait dû remarquer qu’ils le regardaient car, quelques minutes plus tard, il se dirigea vers la table de Sazed. Le garçon cligna des yeux pour se protéger de la lumière de la lanterne, pourtant plutôt douce, et tira une chaise. Ces meubles raffinés paraissaient curieux aux yeux de Sazed, tant ils contrastaient avec les rangées d’étagères poussiéreuses et strictement fonctionnelles.

Spectre paraissait épuisé. Depuis combien de temps n’a-t-il pas dormi ? se demanda Sazed. Il est toujours levé chaque fois que je me couche, et réveillé quand je me lève.

— Quelque chose ne tourne pas rond ici, déclara Spectre.

— Ah bon ? En dehors du fait que nous soyons en train de discuter près d’un lac souterrain dans un entrepôt construit par le Seigneur Maître en dessous d’une forteresse des Inquisiteurs ?

Spectre gratifia l’Apaiseur d’un regard noir, puis se tourna vers Sazed.

— J’ai l’impression qu’on aurait déjà dû être attaqués.

— Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? demanda Sazed.

— Je connais Quellion, Saze. Cet homme est un tyran des plus classiques. Il a accédé au pouvoir par la force, et il garde le contrôle en accordant aux gens de grandes quantités d’alcool et de minuscules libertés, comme les laisser se rendre dans les bars la nuit. Mais en même temps, il maintient tout le monde sous l’emprise de la peur.

— Comment a-t-il pris le pouvoir, déjà ? demanda Brise. Comment a-t-il obtenu le contrôle avant qu’un noble bien fourni en gardes puisse le faire ?

— Les brumes, répondit Spectre. Il est sorti dans les brumes et a déclaré que toute personne fidèle au Survivant serait en sécurité parmi elles. Ensuite, les brumes ont commencé à tuer, en fournissant une confirmation bien pratique de ses paroles. Il a fait toute une histoire comme quoi les brumes tuaient ceux qui portaient le mal dans leur cœur. Les gens s’inquiétaient tellement de la situation qu’ils l’ont écouté. Il a réussi à imposer une loi qui exigeait que tout le monde sorte dans les brumes, pour qu’il puisse voir qui mourait ou pas. Ceux qui ont survécu, il les a déclarés purs. Il leur a dit qu’ils pouvaient fonder une jolie petite utopie. Après quoi ils ont commencé à tuer les nobles.

— Ah, commenta Brise. C’était malin de sa part.

— Ouais, répondit Spectre. Il a totalement occulté le fait que les nobles n’ont jamais été emportés par les brumes.

— Un instant, l’arrêta Sazed. Quoi ?

Spectre haussa les épaules.

— C’est difficile à confirmer actuellement, mais c’était ce que disaient les récits. Les nobles paraissaient immunisés contre le mal des brumes. Pas les skaa qui possédaient du sang noble, mais les véritables aristocrates.

— Curieux, observa Brise.

Plus que ça, songea Sazed. Franchement étrange. Elend est-il au courant de ce lien ? À la réflexion, Sazed estimait peu probable qu’Elend le sache. Leur armée et leurs alliés étaient entièrement constitués de skaa. Les seuls aristocrates qu’ils connaissent se trouvaient à Luthadel, et tous avaient choisi de rester à l’intérieur la nuit plutôt que de risquer de sortir dans les brumes.

— Quoi qu’il en soit, déclara Spectre, Quellion est un tyran. Et les tyrans n’aiment pas qu’il y ait qui que ce soit en mesure de les défier sur leur territoire. À l’heure actuelle, il aurait déjà dû y avoir un attentat contre nos vies.

— Le gamin a raison, dit Brise. Les gens comme Quellion ne se contentent pas de tuer lors d’exécutions spectaculaires. Je parie que pour chaque personne qu’il jette dans un de ces bâtiments, il y en a trois mortes dans une ruelle, que la cendre est en train de recouvrir lentement.

— J’ai conseillé à Goradel et à ses hommes de se montrer particulièrement prudents, dit Spectre, et j’ai arpenté notre territoire. Mais je n’ai pas trouvé ne serait-ce qu’un assassin en train de nous espionner. Les troupes de Quellion restent juste là à nous regarder, sans rien faire.

Brise se frotta le menton.

— Peut-être que Quellion a davantage peur de nous que vous ne le supposez.

— Peut-être, répondit Spectre en soupirant et en se frottant le front.

— Lord Spectre, lui dit prudemment Sazed, vous devriez dormir.

— Ne vous en faites pas pour moi, répondit Spectre.

Si je ne savais pas la chose impossible, je dirais qu’il brûle du potin pour rester éveillé, songea Sazed. À moins que je ne cherche simplement des signes me confirmant ce dont je m’inquiétais un peu plus tôt ?

Nous ne nous interrogions jamais lorsque Vin ou Kelsier affichaient des pouvoirs qui allaient au-delà de ce dont les allomanciens ordinaires sont capables. Pourquoi devrais-je me méfier quand il s’agit de Spectre ? Simplement parce que je le connais trop bien ? Est-ce que je me concentre trop sur mes souvenirs du garçon alors qu’il est manifestement devenu un homme ?

— Enfin bref, reprit Spectre, comment avancent les recherches ?

— Plutôt bien, en fait, répondit Sazed qui retourna plusieurs de ses schémas afin de les lui montrer. Je suis quasiment prêt à commencer à travailler à la construction elle-même.

— Combien de temps est-ce que ça prendra, à votre avis ?

— Quelques semaines, peut-être, répondit Sazed. Une période relativement brève, tout compte fait. Heureusement, les gens qui ont vidé les canaux ont laissé une vaste quantité de gravats dont je peux me servir. Par ailleurs, le Seigneur Maître a très bien rempli cet entrepôt. Il y a du bois de construction, ainsi que des fournitures de charpenterie de base, et même des systèmes de poulies.

— Pour quoi donc est-ce que cette créature se préparait ? demanda Brise. La nourriture et l’eau, je peux comprendre. Mais des couvertures ? Du bois de construction ? Des poulies ?

— Pour une catastrophe, lord Brise, répondit Sazed. Il a inclus tout ce dont un peuple aurait besoin dans l’éventualité où la ville elle-même serait détruite.

— Non, répondit Spectre, il se préparait exactement pour ce qui s’est passé. Donc, vous allez construire quelque chose qui va boucher les arrivées d’eau ? Je croyais que vous alliez simplement faire s’effondrer les tunnels.

— Oh non, certainement pas, dit Sazed. Nous n’avons ni la main-d’œuvre ni l’équipement nécessaires pour provoquer un effondrement. Par ailleurs, je ne voudrais rien tenter qui risquerait de faire s’effondrer la grotte sur nos têtes. Mon plan consiste à construire un mécanisme de blocage en bois que l’on puisse abaisser dans le courant. Si l’on dispose d’un poids suffisant, ainsi que des structures appropriées, ça devrait permettre d’arrêter le courant. En réalité, ce n’est pas très différent des mécanismes utilisés dans l’écluse des canaux.

— Un sujet dont il sera ravi de vous parler, commenta Brise. En long, en large et en travers.

Sazed sourit.

— Je crois que…

Il fut interrompu lorsque le capitaine Goradel arriva, l’air bien plus grave que d’ordinaire.

— Lord Spectre, annonça-t-il, quelqu’un vous attend en haut.

— Qui ça ? demanda Spectre. Durn ?

— Non, milord. Elle dit être la sœur du Citoyen.

 

— Je ne suis pas ici pour me joindre à vous, déclara la visiteuse – Beldre.

Ils étaient assis dans une salle d’audience austère du bâtiment de l’Inquisition situé au-dessus de la grotte. Les chaises de la pièce n’étaient garnies d’aucun coussin et des plaques d’acier ornaient les murs de bois pour toute décoration – rappelant douloureusement à Sazed ce qu’il avait vu au Prieuré de Seran.

Beldre était une jeune femme aux cheveux auburn. Elle portait une robe simple teinte en rouge, approuvée selon les critères du Citoyen. Elle était assise, les mains sur le giron, et lorsqu’elle croisait le regard des personnes présentes dans la pièce, il y avait chez elle une appréhension nerveuse qui affaiblissait considérablement sa position.

— Dans ce cas, pourquoi êtes-vous ici, ma chère ? demanda prudemment Brise.

Allrianne était assise à ses côtés et regardait la jeune fille d’un air désapprobateur. Spectre faisait les cent pas au fond de la pièce, jetant des coups d’œil occasionnels par la fenêtre.

Il croit que c’est une ruse, comprit Sazed. Que la jeune fille est censée faire diversion pour nous déstabiliser avant une attaque. Le garçon portait ses cannes de duel fixées à ses côtés comme des épées. Dans quelle mesure Spectre savait-il réellement se battre ?

— Je suis ici…, déclara Beldre en baissant les yeux, parce que vous allez tuer mon frère.

— Eh bien, répondit Brise, qu’est-ce qui vous a mis une idée pareille en tête ? Nous sommes en ville pour conclure un traité avec votre frère, pas pour l’assassiner ! Est-ce que nous avons l’air de personnes très douées pour ces choses-là ?

Beldre jeta un coup d’œil à Spectre.

— À part lui, ajouta Brise. mais je vous assure que Spectre est inoffensif. Franchement, vous ne devriez…

— Brise, l’interrompit Spectre en tournant vers eux son étrange regard, caché par le bandeau derrière lequel ses lunettes saillaient légèrement. Ça suffit. Vous nous faites passer pour des idiots. Beldre sait pourquoi nous sommes là – tout le monde le sait en ville.

Le silence tomba dans la pièce.

Il… ressemble un peu à un Inquisiteur, quand il porte ces lunettes sous ce bandeau, songea Sazed avec un frisson.

— Beldre, reprit Spectre. Vous pensez sincèrement que nous allons croire que vous êtes simplement venue nous supplier d’épargner votre frère ?

Elle se tourna vers Spectre et soutint son regard – ou plutôt son absence de regard – avec un air de défi.

— Vous pouvez essayer de me parler durement mais je sais que vous ne me ferez aucun mal. Vous faites partie de la bande du Survivant.

Spectre croisa les bras.

— S’il vous plaît, poursuivit Beldre. Quellion est quelqu’un de bien, comme vous. Vous devez lui accorder plus de temps. Ne le tuez pas.

— Qu’est-ce qui vous fait croire que nous voudrions le tuer, mon enfant ? demanda Sazed. Vous venez de dire que vous pensiez que nous ne vous ferions jamais de mal. En quoi votre frère est-il différent ?

Beldre baissa les yeux.

— C’est vous qui avez tué le Seigneur Maître. Vous avez renversé l’empire tout entier. Mon frère n’y croit pas – il pense que vous avez profité de la popularité du Survivant en affirmant être ses amis une fois qu’il s’était sacrifié.

Spectre ricana.

— Je me demande où votre frère est allé chercher une idée pareille. Peut-être qu’il connaît quelqu’un d’autre qui a affirmé avoir la bénédiction du Survivant et qui tue des gens en son nom…

Beldre rougit.

— Votre frère ne nous fait pas confiance, déclara Sazed. Pourquoi le faites-vous ?

Beldre haussa les épaules.

— Je n’en sais rien, répondit-elle tout bas. Sans doute que… les menteurs ne sauvent pas des enfants des bâtiments en flammes.

Sazed regarda Spectre sans parvenir à déchiffrer son expression sévère. Enfin, Spectre prit la parole :

— Brise, Sazed, Allrianne, accompagnez-moi dehors. Goradel, surveillez cette femme.

Spectre se dirigea vers le couloir, et Sazed le suivit avec les autres. Une fois la porte fermée, Spectre se retourna pour les regarder tous.

— Alors ?

— Je ne l’aime pas, déclara Allrianne en croisant les bras.

— Évidemment, ma chère, commenta Brise. Tu n’as jamais aimé la compétition.

— La compétition ? s’exclama Allrianne, vexée. D’une petite chose timide comme elle ? Franchement !

— Qu’est-ce que vous en dites, Brise ? demanda Spectre.

— De la fille, ou du fait que vous m’ayez insulté dans cette pièce ?

— La première option, répondit Spectre. Votre orgueil n’a aucune importance pour l’instant.

— Mon cher garçon, répondit Brise, mon orgueil est toujours important. Quant à la jeune fille, je vais vous dire une chose : elle est terrifiée. Malgré ce qu’elle affirme, elle est totalement effrayée – ce qui signifie qu’elle n’a pas fait souvent ce genre de choses. J’ai dans l’idée qu’elle est aristocrate.

Allrianne hocha la tête.

— Sans aucun doute. Regardez ses mains – quand elles ne tremblent pas de peur, on voit bien qu’elles sont propres et douces. Elle a grandi choyée.

— Elle est manifestement un peu naïve, ajouta Sazed. Autrement, elle ne serait pas venue ici en s’attendant à ce que nous l’écoutions avant de la laisser partir.

Spectre acquiesça. Il pencha la tête comme s’il écoutait quelque chose. Puis il s’avança et ouvrit la porte de la pièce.

— Alors ? demanda Beldre en maintenant son assurance de surface. Vous avez décidé de m’écouter ?

— D’une certaine façon, répondit Spectre. Je vais vous donner plus de temps pour vous expliquer. Beaucoup de temps, même.

— Je… n’en ai pas beaucoup, répondit Beldre. Je dois retourner auprès de mon frère. Je ne lui ai pas dit que je m’absentais, et… (Elle laissa sa phrase en suspens, ayant apparemment remarqué quelque chose dans l’expression de Spectre.) Vous allez me garder prisonnière, c’est ça ?

— Brise, dit Spectre en se retournant. Comment pensez-vous que réagirait le peuple si je commençais à répandre la rumeur selon laquelle la propre sœur du Citoyen s’est retournée contre lui et qu’elle est venue chercher protection auprès de notre ambassade ?

Brise sourit.

— Eh bien, voilà qui est très rusé ! Ça compense presque la façon dont vous m’avez traité. Je vous ai déjà dit à quel point c’était grossier ?

— Vous ne pouvez pas faire ça ! s’exclama Beldre qui se leva pour faire face à Spectre. Personne ne croira que j’ai déserté !

— Ah non ? rétorqua Spectre. Vous avez parlé aux soldats à l’extérieur avant d’entrer ici ?

— Bien sûr que non, répondit Beldre. Ils auraient essayé de m’arrêter. J’ai monté les marches en courant avant qu’ils puissent le faire.

— Donc, ils confirmeront que vous êtes entrée dans le bâtiment de votre plein gré, dit Spectre. En évitant un corps de garde.

— Ça ne donne pas très bonne impression, acquiesça Brise.

Beldre sembla se décourager légèrement et se rassit dans son fauteuil. Par les dieux oubliés, songea Sazed. Comme elle est naïve. Le Citoyen a dû déployer de gros efforts pour la protéger ainsi.

Bien sûr, Sazed avait entendu dire que Quellion quittait rarement la jeune fille des yeux. Elle était toujours avec lui, sous sa surveillance. Comment va-t-il réagir ? se demanda-t-il avec un frisson. Que fera-t-il quand il apprendra que nous la détenons ? Est-ce qu’il attaquera ?

Peut-être le plan était-il là. Si Spectre parvenait à obliger le Citoyen à attaquer ouvertement, ça produirait une mauvaise impression. Surtout quand Quellion serait repoussé par quelques soldats – il ne pouvait pas savoir à quel point leur place était bien fortifiée.

Quand Spectre est-il devenu si malin ?

Beldre leva les yeux depuis son siège, des larmes de frustration luisant dans le regard.

— Vous ne pouvez pas faire ça. C’est déloyal ! Que dirait le Survivant s’il savait ce que vous comptez faire ?

— Le Survivant ? demanda Spectre en gloussant. J’ai l’intuition qu’il approuverait. S’il était là, en fait, il suggérerait justement que nous fassions ça…

Le héros des siècles
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